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2 février 2011 3 02 /02 /février /2011 11:49

Dmitry PozdnyakovCette fois j’ai trouvé un interlocuteur absolument passionné par la cuisine. Dmitry a été cuisinier pendant presque 8 ans, puis il a décidé de devenir... journaliste. Maintenant il travaille pour les magazines en décrivant tout ce qu'il trouve très goûteux: produits alimentaires, histoires des plats, cuisines nationaux.

 

Dmitry, à ton avis, pour le moment quels plats sont populaires à Moscou?

C'est difficile à dire. D’habitude l’intérêt arrive comme les vagues: dans les années 90 c’était la cuisine mexicaine qui était en honneur, maintenant c’est la cuisine japonaise et, peut-être, italienne.

 

Et la cuisine française?

Ici elle n’a jamais eu un grand succès, sauf au XIXe siècle. Peut-être parce qu'elle represente de luxe et le haut de gamme dans l'esprit des gens.


Quels plats français “de luxe” sont connus à Moscou?

Il me semble que si nous faisions une enquête, la plupart de gens nous dirait “la soupe à l'oignon” et “le foie gras”.


Les restaurants à Moscou offrent le foie gras?

Oui, ils l’offrent. Sans doute nous n’avons pas une tradition si riche qu’en France, mais ici le foie gras est aussi au menu de quelques restaurants italiens, de plus on peut le trouver dans ce qu’on appelle fast-food, par exemple, comme “une salade avec des morceaux de foie gras”. Et dans le restaurant “Parisien” où j’ai travaillé c’était un plat “autonome” – on l'offrait, par exemple, avec des haricots verts frits, de l’échalote et sous la sauce à base de qui demi-glace contenait un peu de vinaigre balsamique et des raisins secs.


Mais c’est trop gras! Et après cela on dit que la cuisine française est légère!

Avant tout la cuisine française est caractérisée par sa diversité: il y a des plats légers, il y a aussi des plats qui sont plus gras que dans la cuisine russe. Par exemple, la pomme mousseline: pour ce plat les Russes ne prennent que des pommes de terres, un peu du lait et un petit peu de beurre et dans une des versions françaises on prend des pommes de terre et du beurre presque en même quantité.

 un café français à Moscou

Un café “français” à Moscou

 

Dmitry, où as-tu appris la cuisine française? Est-ce qu’il y a des cours spécialisés à Moscou?

Non, je n’ai pas suivi des cours de cuisine française. C’était Daniel, le chef cuisinier du restaurant "Parisien” qui m'en a donné. Je ne veux pas dire que je maîtrise toutes les astuces de la cuisine française, mais j’ai beaucoup appris. À propos! Je me rappelle que Daniel adorait les plats russes les plus simples. Par exemple, la kacha (la bouillie) de sarrasin avec des légumes. Il l'aimait tellement que toujours l'offrait à ses filles si elles venaient au “Parisien”. Je me rappelle aussi son attitude sérieuse envers les produits alimentaires: Daniel toujours exigeait de les acheter en France, même si c’était le sel et le poivre. D’un côté c’était un peu... bizarre mais d’un autre côté cela m'hypnotisait presque. Il exigeait même d'apporter de France les esturgeons bien qu'ils soient des produits alimentaires typiquement russes...

la kacha La kacha (la bouillie de sarrasin)

 

Quant aux esturgeons, il me semble que maintenant ce n'est qu'un mythe de la cuisine russe. Il faut dire: "ils ont été typiques".

Sais-tu qu’en Russie la pêche légale des esturgeons est interdite? Le caviar qu’on trouve à nos magasins d'alimentation, par exemple, est confisqué aux braconniers. Et le caviar légal n’est que pour l’exportation. Mais malgré tout, les esturgeons et le caviar sont les symboles de la cuisine russe. À propos, les Français utilisent très souvent le caviar – pour les sauces, par exemple. Il me semble que les cuisiniers français empruntent les produits alimentaires plus courageusement que les autres. Ils ne craignent pas d’expérimenter, de modifier les plats nationaux d’autres pays. Par exemple, au “Parisien” on offrait les boulettes à la Pojarski avec du saumon.

 

Mais... j’ai pensé que les boulettes à la Pojarski avec du poulet, non?

C’est vrai. Voici leur histoire. Un jour le tzar est arrivé à la petite ville d’Ostashkovo et voulait déjeuner dans un restaurant local. Il a commandé les boulettes de veau mais la cuisinière n’avait pas de viande. Et elle a préparé les boulettes de poulet pannées avec les morceaux rectangulaires de pain. Les boulettes ont plu au tzar et il a ordonné de les inclure dans le menu de sa cuisine royale en les nommant "boulettes à la Pojarski" parce que c’était le nom de cette femme. Alors, la recette originelle contenait du poulet mais au “Parisien” nous les préparions avec du saumon et les servions avec du concombre cuit et de la sauce béchamel. Je pensais toujours que les concombres cuits ne sont pas goûteux mais avec ces boulettes et cette sauce – oui, c’était une très bonne combinaison!   

boulettes à la Pojarski Boulettes à la Pojarski  

 

C’est à dire que les cuisiniers français apprennent très facilement les recettes russes?

Si tu veux, je t’avoue que meilleur bortsch que j’ai mangé a été préparé par Daniel. À propos, on dit que le chtchi avec la viande a été aussi inventé par les Français. Avant cette modification les Russes préparaient le chtchi sans aucune viande et y ajoutaient de la farine pour donner une consistance à cette soupe. Mais je veux dire que beaucoup de recettes russes sont maintenant perdues. Par exemple, nous avons perdu la tradition de la préparation du jambon. Celui que nous connaissons depuis l’époque soviétique – c’est une briquette de farce avec quelques inclusions de viande. Mais jadis il y avait une autre recette de jambon en Russie et cette recette ressemblait à celle du jamòn d’Espagne ou jambon de Bayonne. C’est dommage qu'en Russie on ne fasse plus le jambon comme ça.

Mais avant l’époque soviétique beaucoup de recettes russes avaient déjà disparu ou c'étaient transformées sous l'influence des traditions culinaires d’autres pays, en particulier celles de la France. Il faut dire qu’au XIXe siècle la cuisine russe a beaucoup emprunté à la cuisine française, particulièrement les noms des plats. Ce que me semble curieux c’est ce que certains termes français ont pris racine dans la langue russe mais ils ont changé leurs sens. Par exemple, "une julienne" en France est une manière de couper les légumes ou de faire un potage avec ces légumes. Mais en Russie "une julienne" est un plat fait de champignons cuits au four avec la crème fraîche.  

vaisselle russe en bois La vaisselle traditionnelle russe

 

Deuxième partie: clic 

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Basil_de_Moscou_3.jpgDescription: je suis russe, j'habite Moscou et c'est ma ville qui est le personnage principal de mon blog. J'aimerais vous présenter un tel Moscou qui n'est pas officiel.
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