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17 juin 2014 2 17 /06 /juin /2014 06:12

En regardant les icônes on a l’impression que le vrai observateur se trouve là-bas, derriere la couche de couleur. C’est grâce à la perspective inversée que le monde étrange à deux dimensions entre mystérieusement dans le notre, habituel et clair.

Ivan Kiritchénko passe sa vie sur la frontière de ces mondes. Créateur d'icônes, il travaille dans un « atelier médiéval » refait à l'intérieur d'un Musée privé.

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Ivan Kiritchénko au travail. Photo du Musée d'icônes.

 

Quelle est votre journée de travail ? Vous êtes isolé ici…

Ivan : Mon isolation est symbolique : il n’y a pas de sortie mais une entrée existe ... D’habitude je commence ma journée de travail par la graphique, puis je m’occupe des icônes. Les gens viennent, me regardent, je leur raconte le côté technique de l’icônographie.

 

Ils ne vous empèchent pas à travailler ?

Ivan : Non. Je les ai vu si peu au cours de ma vie que je m'intéresse beaucoup communiquer avec eux. De plus c'est mon boulot - être en libre accès.

 

Qu’est-ce qu’ils vous demandent ?

Ivan : Les questions typiques : suis-je baptisé ? ai-je la bénédiction pour créer les icônes ? si je les restaure ? Il arrive aussi des questions plus difficiles.

 

On vous interroge sur la première icône que vous avez faite ?

Ivan : Non. Moi, je ne m'en souviens pas : je pense, c’était quand j’ai eu 16 ou 17 ans, j’aidais ma mère à dessiner les détails.

 

Vos parents créent aussi les icônes ?

Ivan : Oui et non mais, bon gré mal gré, dès mon enfance, je suis toujours près des icônes. Mon père, Vladimir Kiritchénko, était conservateur en chef du musée d’art russe ancien Andreï Roublev de 1964 à 1979 qu’il a quitté pour devenir lecteur dans une église. Mon père suit toujours les principes de l’ascétisme. Ce qu’il estime le plus au monde c’est la vie privée, la liberté personnelle et la possibilité d’être en communion avec la nature.

Ma mère, Kira Tikhomirova est critique d’art, restauratrice, peintre et, depuis les années 1970 – peintre d’icônes. A partir de 1983, elle travaillait dans l’atelier orthodoxe Alexeyevsky (Après la Seconde Guerre mondiale, un atelier d’icônes a été ouvert dans le couvent de Novodievitchi. En 1961, l’atelier a été déplacé au village Alexéévskoyé près de Moscou. Ivan parle de sa filiale dans les murs de la capitale). Pendant et après la Perestroïka, ma mère était peintre et consultante pour d’autres ateliers.

peintre icones 02

Andreï Roublev, saint André l'Iconographe, peintre d'icônes du XVe siècle.

Le musée d’art russe ancien à Moscou porte son nom car il est disposé

dans le monastère Andronikov dont Andreï Roublev était un moine.
Icône créée par Ivan Kiritchénko.


Notre famille est orthodoxe c’est pourquoi l’organisation de notre vie différait de la vie soviétique …

 

Où était la différence?

Ivan : Elle était dans le refus des habitudes soviétiques, à partir du régime alimentaire et jusqu’au refus de l’agitation de la vie et de l’acquisition des biens matériels. Il me fallait vivre simultanément dans deux mondes très différents : hors de moi et à l'intérieur de moi. Mes parents m’ont expliqué qu’à l’école et dans la cour, il était impossible de dire ce qu’on disait dans la famille.

 

Pourtant vous êtiez pionnier

Ivan : C’est oui, mais je n’était pas komsomolets (les enfants appartenaient à une organisation idéologique, les pionniers de 9 à 14 ans, adolescents, ils devenaient komsomoletz, avant de devenir membre du parti) car j’ai dit honnêtement que j’était croyant et que je ne comprenais pas comment compatir les deux. On a organisé une réunion et annoncé : « Notre Ivan est croyant !» J’ai dit : « Oui mais si vous acceptiez certaines mes conditions ... » On m’a dit : « C’est nous qui mettons les conditions. » J’ai dit : « Alors, je ne serai pas komsomolets. » C’était déjà l’époque relativement douce, pourtant psychologiquement c’était traumatisant. Le collectif soviétique était agressif. Lui et le régime soviétique vous cernaient, ils vous concernaient en tout cas. En le refusant ou non, vous étiez à l’intérieur du processus.

 

Pourquoi actuellement il y a des gens qu’y veulent retourner ?

Ivan : C’est clair. Les 10,5 dernières années de l’URSS, comme je m’en souviens, c'était un calme plat où la vie était réglée clairement avec ses jours de travail et de repos, ses dates précises d’acompte et du salaire ; avec ce cercle des copains qui pouvaient vous procurer telle ou telle chose ... Cette réalité où rien ne se passe, certains la tiennent aujourd'hui pour une oasis de paix par rapport au monde contemporain où il faut agir pour ne pas mourir de faim. Pourtant, cette vie ressemblait plus à celle des insectes que des hommes. Au fond, ma famille était hors de tout ça. Mon père dit qu’il ne peut toujours pas croire que tout cela soit terminé.

 

Aujourd’hui, on dit que l’argent est au premier plan ...

Ivan : Autrefois il y était aussi, même plus peut-être car il s’agissait de ce que l’Etat émiettait. C’est parce qu’on ne pouvait travailler que dans les organisations étatiques, les exceptions étaient rarissimes.

 

Comme la peinture des icônes ?

Ivan : C’était aussi une commande, simplement elle ne provenait pas de l’Union des peintres mais de la patriarchie de Moscou.

 

Au cours des années 70еs ?

Ivan : C’est un fait bien qu’il soit peu connu.

peintre icones 01

Notre-Dame de la ville de Vladimir est une des icônes les plus vénérées en Russie.

Selon la légende, son auteur est saint Luc. Icône créée par Ivan Kiritchénko.

 

Pourriez-vous raconter du processus de la création d’une icône ?

Ivan : Il apparaît comme un système dur où tout se fait par ordre strict. Ce n’est pas facile surtout si on a l’idée de la liberté de création car il est difficile d’accepter un modèle pour le seul guide possible. Cela exige aussi un apprentissage technique qui est long et détaillé : la préparation du liant – l’émulsion d’œuf et le broyage des peintures minérales ... De plus une conscience habituée à la tridimensionalité reproduit à grand-peine l’espace à deux dimensions. C’est un processus presque tragique. C’est comme un remède amer ou comme la vérité – le reconnaissance d’un grand nombre de ses propres défauts à la fois.

 

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Basil_de_Moscou_3.jpgDescription: je suis russe, j'habite Moscou et c'est ma ville qui est le personnage principal de mon blog. J'aimerais vous présenter un tel Moscou qui n'est pas officiel.
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