Le premier WE du septembre moscovite fut contradictoire.
D’une part, il faisait beau. Le soleil passant à travers le feuillage vert et jaune submergeait la ville par une limpidité apaisante. D’autre part, c’était le Jour de Moscou ce qui a ajouté de l'effervescence au centre ville. Les deux faits se croisaient en provoquant un fort étonnement des touristes qui se trouvaient soit dans la tranquillité d’un square, soit entourés par la fanfare d’un cirque qui est sorti dans la rue.
Même en s’éloignant du Kremlin, les étrangers trouvaient le bariolage, peut-être encore plus fort que sur la Place rouge.
Comme d’habitude pendant cette fête, chaque boulevard avait son thème, on pouvait flâner de l’un à l’autre en découvrant la vie festive par hasard, sans avoir son programme précis.
Les collaborateurs du Musée de la culture juive et du Centre de la tolérance
| Les « chocolatiers » de l’entreprise suisse « Lindt » viennent de distribuer le contenu sucré de leurs boîtes. Discutent-ils maintenant de l’embargo ? |
Je ne savais pas ce que les visiteurs étrangers pensaient à propos de cette mer moscovite de couleurs mais voici ce que j’ai remarqué en tant que une de ses petites gouttes.
Les gens truculents
En effet, c’était le sujet d’un des boulevards moscovites. C’était, peut-être aussi un des endroits les moins politisés.
Les jeunes artistes de plusieurs théâtres et les enfants comme leur public principal – les voilà, les gens vraiment truculents et de plus vraiment libres, avant tout de l’idéologie de n’importe quelle origine.
Effectivement, il est inutile de discuter qui est le plus civilisé et avancé dans un monde où il y a des courses de moutons et l'on peut adopter un chien-bolide.
Les plongés dans l'histoire
Les jeunes créaient le monde. Quant aux adultes, ils produisaient des interprétations de ce qui a été créé par les autres. Je l’ai aperçu en suivant un autre boulevard qu’on a titré « En style rétro ». En réalité c’était un énorme marché aux puces. La majorité de ces puces étaient soviétiques ce qui a provoqué une exclamation joyeuse d’un couple anglophone à côté duquel je marchais.
C’est devant un de ces comptoirs que le diable m’a tiré par la langue. J’ai dit à un des marchands que avec tous ces magazines de l'époque art nouveau il serait très organique à Paris, parmi les bouquinistes du bord de Seine. Il m’a répondu tout de suite qu’il n’y aurait aucune chance. « Vos Européens nous détestent car ils ont peur de nous, - me dit il. - Notre culture ne les intéresse pas car elle les empêche de nous regarder de haut en bas, de nous imposer leur primauté. Ce qu’ils veulent c’est que les peuples slaves se querellent pour obtenir leurs ressources naturelles et les assujettir. » Alors, bonjour ! Je me suis dépêchée de le quitter avant l’émercion des « preuves » du Grand complot américain ...
Ci-dessus : les composants importants du rêve soviétique. N’ayez pas peur, ils ne marchent plus et ne pulvérisent ni de la poussière, ni de la propagande. |
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Tout à coup, les rangs de brocante se sont transformées en rangs de livres : c’était le boulevard offert aux petites maisons d’édition. Ici on convient que ces petits joueurs du marché travaillent pour les intellectuels à la différence des monstres de l'industrie avec leur production de masse. Bon, pas de commentaires. Il faut être débonnaire pour hériter de la terre.
Pourtant, qu'est-ce qu'on nous propose à lire ? Voici quelques livres par hasard :
- « La captive russe d’un chat français, l’histoire adaptée pour les enfants » écrit par Mme Joukova. Si j’ai bien compris, il s’agissait de Moscou en 1812.
- « Le monde juif », « La biographie de Winston Churchill », « L’histoire du hassidisme », « La crise mondiale et le Japon ». Les oeuvre du genre « L’histoire adaptée pour les adultes ».
Michel de Certeau, « l'Invention du quotidien » en russe.
- « Les enfants des ennemis du peuple. Une chronique familiale » d’Inna Shikhééva-Gayster. « L’homme dans une société totalitaire », un recueil des oeuvres des écrivains russes de l’époque soviétique (Alexandre Soljenitsyne, Varlam Chalamov, Boris Pasternak, Anna Barkova ...).
Dans le programme de ce boulevard littéraire il y avait aussi les discussions publiques y compris sur la société civile et sur les super-héros contemporains mais je les ai manquées en participant à un autre événement. Je vous le raconterai si ma balade festive ne vous semble pas trop fatigante.